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Saturday, March 23, 2019

Préparer un avenir meilleur

Les personnes qui ont un faible niveau d’éducation et d’alphabétisation ont du mal à se faire entendre. C’est particulièrement vrai pour les communautés autochtones. Leurs connaissances ancestrales et leurs droits sont souvent ignorés par les gouvernements, les sociétés d’exploitation de minerais et d’autres qui souhaitent exploiter leurs terres. Toutefois, cette situation n’est pas inéluctable. En collaborant avec des partenaires locaux, le CTA a contribué à faire d’eux des pionniers dans un processus – baptisé Modélisation participative en 3D – qui aide les communautés locales à documenter les régions dans lesquelles elles vivent, mais également à influencer la façon dont les décisions sont prises concernant l’utilisation et l’occupation des sols.

 «Traditionnellement, les cartes étaient réalisées par les gouvernements, qui contrôlaient également les données», explique Giacomo Rambaldi du CTA. «Mais un énorme changement a eu lieu récemment, à mesure que les groupes de la société civile ont acquis la capacité de réaliser leurs propres cartes et vidéos.» Ils ont bénéficié de l’accès à Google Earth et YouTube ainsi qu’à la modélisation participative en 3D, qui leur ont permis de créer des cartes exactes et géo-référencées.

Le premier exercice de modélisation soutenu par le CTA dans le Pacifique a eu lieu aux Fidji, en 2005. Cet événement de 11 jours à Lavuka s’est concentré sur l’île d’Ovalau, où les communautés locales souffraient d’une surexploitation de leurs zones de pêche, en particulier par des flottes étrangères. Au cours des trois premiers jours, trente étudiants de l’enseignement supérieur et six enseignants ont créé un modèle en 3D de l’île avec l’aide de quinze animateurs et stagiaires. Quatre-vingt-dix hommes et femmes de 26 villages ont ensuite «peuplé » le modèle de montagnes, de routes, de rivières, de zones de pêches, de terres agricoles, de sites culturels et d’autres caractéristiques. Lorsqu’ils ont eu terminé, le modèle comptait 79 caractéristiques et 83 lieux revêtant une importance culturelle.

Le modèle a ensuite servi de base pour un plan de gestion à l’échelle de l’île et trois plans de gestion de districts. Le processus a identifié seize zones «taboues » dans lesquelles une protection complète de la faune marine est à présent assurée. Les autochtones ont également commencé à dégager des parcours cérémonieux qui avaient été envahis par la végétation. En trois années de recherche, le Musée des Fidji n’avait réussi à identifier que vingt lieux revêtant une importance culturelle – soit un quart du nombre de lieux identifiés par les villageois pendant le processus de modélisation.

À bien des égards, le processus est aussi important que le résultat obtenu. «Il aide les gens à visualiser et à localiser leurs connaissances spatiales, ce qui est très motivant », explique Giacomo Rambaldi. « Et, bien sûr, il leur permet de défendre leur cause de façon plus persuasive. » Dans le passé, les communautés autochtones pouvaient produire des croquis cartographiques en faisant valoir des revendications pour leurs terres, mais les décideurs n’en tenaient guère compte. Les modèles en 3D fournissant des détails complexes sur les caractéristiques du paysage sont beaucoup plus difficiles à ignorer.

À travers le Pacifique

Kenn Mondiai, qui dirige l’ONG «Partners with Melanesians », basée en Papouasie-Nouvelle-Guinée, fait partie des qui bénéficiaires d’une formation aux Fidji. Depuis lors, il a joué un rôle important dans la promotion de la modélisation participative en 3D à travers le Pacifique. Avec le soutien de la Banque mondiale, il a aidé les communautés locales du Plateau de Managalas en Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui abrite 150 clans, à créer un modèle en 3D de leurs terres ancestrales. Ce modèle a servi comme élément de preuve pour promouvoir la Zone patrimoniale de Managalas (Managalas Conservation Area), dont la reconnaissance officielle est prévue au moment de la mise sous presse.


Mapping Land, Sea and Culture: an Award-winning Participatory 3D Modelling Process in Fiji from CTA on Vimeo.

En 2011, l’organisation de protection de l’environnement The Nature Conservancy a engagé Kenn Mondiai afin de diriger des formations dans les îles Salomon. Les exercices de modélisation dans le village côtier de Boe Boe se sont concentrés sur le changement climatique et ses répercussions possibles. Le modèle présentait l’étendue du dernier tsunami en 2007 et le niveau des récentes marées hautes qui avaient inondé certaines parties du village. La communauté a ensuite utilisé le modèle pour discuter de l’impact potentiel de la hausse du niveau des mers et d’autres événements liés au climat.

« Le modèle a montré à la jeune génération que nous devions réfléchir au changement climatique », a fait remarquer Winifred Piatamama après l’exercice. «Il est important de prendre conscience que, dans quelques années, le niveau de la mer ne sera pas le même qu’aujourd’hui. » Après avoir débattu, les villageois ont décidé qu’au lieu de construire le long de la côte, comme ils l’avaient fait jusqu’à présent, ils se tourneraient vers les terres plus élevées, à l’écart de la mer. En résumé, le modèle les a aidés à concevoir des plans qui les aideront à s’adapter au changement climatique.

Selon Winifred Piatamama, le processus de modélisation a été particulièrement important pour les femmes de la communauté. « Au début, c’était un peu difficile pour les femmes, parce qu’elles n’expriment pas leurs préoccupations, elles sont généralement silencieuses », a-t-elle déclaré. Toutefois, le processus de modélisation les a encouragées à faire part de leurs points de vue plus ouvertement. « Lorsque tous contribuent au modèle, ils partagent fierté et propriété », explique Gabriel Kulwaum, de l’organisation TNC (The Nature Conservancy) dans un petit film sur l’exercice de Boe Boe. « Ce n’est pas TNC ou le gouvernement qui en a la propriété. » C’est la communauté.

Formation aux Caraïbes

Le CTA était très désireux d’encourager une modélisation participative en 3D dans les Caraïbes, mais était obligé d’importer l’expertise d’ailleurs. En octobre 2012, le premier exercice de modélisation a eu lieu à Tobago, sous l’égide de l’Institut des ressources naturelles des Caraïbes (Caribbean Natural Resources Institute, Canari) et animé par Kenn Mondiai. Cela a donné lieu à des ateliers de suivi de modélisation sur l’île de l’Union et à la Grenade.

Sous La Surface ~ Cartographie de l'île d'Union ~ un exercice MP3D en 2013 from CTA on Vimeo.

Local voices in climate change adaptation - Union Island, Caribbean - Trailer from CTA on Vimeo.

Pour Gillian Stanislaus, du ministère des Ressources naturelles et de l’environnement de Trinidad-et-Tobago, le modèle en 3D de Tobago aidera les autorités à gérer plus efficacement les futurs développements. « Grâce au processus de modélisation, nous avons une connaissance bien plus approfondie de la façon dont les terres sont utilisées et de leur importance pour les habitants », affirme-t-elle.

Terrence Phillips a participé à l’un des ateliers de modélisation – qui portait sur l’adaptation au changement climatique – en tant que représentant du Mécanisme régional des pêches des Caraïbes. Il a été impressionné. « Je pense qu’il s’agit d’un outil très utile », confie-t-il. « Les communautés étaient en mesure de décrire ce qui était arrivé à leurs ressources maritimes dans le passé et l’état des ressources à l’heure actuelle. » La modélisation les a encouragées à prendre en considération l’impact éventuel de la hausse du niveau des mers et du changement climatique et à concevoir des stratégies d’adaptation. L’exercice de modélisation a contribué à l’instauration d’un dialogue constructif entre le gouvernement et la communauté locale, garantissant leur collaboration efficace à l’avenir.

La première en Afrique

L’organisation du premier exercice participatif de cartographie en 3D en Afrique a pris 10 mois. Cet exercice, qui s’est tenu dans le village de Nessuit, dans le comté de Nakuru au Kenya, était géré par Systèmes de cartographie et d’information en recherche environnementale en Afrique (Environmental Research Mapping and Information Systems in Africa, ERMIS-Africa), avec le soutien financier et technique du CTA. Pendant 11 jours, en août 2006, quelque 120 hommes et femmes appartenant à 21 clans Ogiek ont construit un modèle en 3D du complexe oriental de la forêt de Mau.


The Voice of the Ogiek from CTA on Vimeo.

La forêt de Mau a souffert pendant des décennies de l’exploitation commerciale et de l’envahissement par des cultures. Ces activités ont détruit une grande partie du paysage ainsi que bon nombre de sites culturels ogiek et, pendant quelques années, les Ogiek ont tenté de faire valoir en justice leurs droits sur ces terres. « Les procédures juridiques traînaient en longueur, sans aucune solution véritable », déplore Julius Muchemi, directeur d’ERMIS-Africa. « Ce dont les Ogiek avaient besoin, c’était de preuves concrètes venant soutenir leurs revendications ; et l’exercice de modélisation les a aidés à fournir ces preuves. »

Les preuves ont été suffisamment persuasives pour convaincre le gouvernement du droit des Ogiek sur les terres et de la nécessité de protéger la région de nouvelles dégradations. Lorsqu’un processus de préservation a été lancé en 2007, tous ceux qui occupaient la forêt en dehors des Ogiek ont été expulsés. Depuis lors, ERMIS-Africa et ses partenaires ont produit l’Atlas des territoires ancestraux des peuples Ogiek (Ogiek Peoples Ancestral Territories Atlas). Cet atlas présente la description la plus détaillée à ce jour de la culture Ogiek et de leurs liens avec la terre.

Parmi les organisations qui ont soutenu l’exercice de cartographie, citons le Comité de coordination des peuples autochtones d’Afrique (Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee, Ipac). Selon son directeur, Nigel Crawhall, il s’agit d’un événement majeur dans la vie de l’IPacC. L’exercice de cartographie et le soutien apporté par le CTA à l’organisation ont mené à une série de développements importants pour le peuple autochtone, et notamment à l’engagement de l’IPacC à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et le lancement d’un programme de formation multinational sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.

Dans une synthèse écrite concernant l’impact du CTA, le Dr Crawhall a expliqué : « D’un point de vue professionnel, les relations avec le CTA ont apporté d’importants changements, de nouveaux outils et opportunités [...] L’exposition et le partenariat avec le CTA ont transformé le travail, les pratiques et les connaissances du seul réseau régional des peuples autochtones d’Afrique, exercé une incidence sur la vie des personnes dans plus d’une douzaine de pays et créé de nouvelles opportunités de carrière et de sensibilisation pour les leaders autochtones et m’ont ouvert de nouveaux horizons sur le plan professionnel. »

Depuis l’exercice de cartographie de la forêt de Mau, le CTA a soutenu des initiatives similaires en Éthiopie, au Gabon, au Tchad et en Ouganda. Soutenus par un manuel électronique publié en anglais, en français, en espagnol, en portugais et en amharique, ainsi que par une communauté en ligne dynamique, des exercices de modélisation ont également eu lieu dans d’autres parties du Kenya, au Ghana, au Maroc et en République démocratique du Congo et de nombreux autres pays, comme indiqué sur la carte ci-dessous.

Saturday, March 18, 2017

Vision holistique du développement : La modélisation participative en trois-D promeut la synergie des projets villageois

Le manque de synergie de certains projets entrave le développement des communautés dans beaucoup de régions de Madagascar. Au niveau des localités où le processus de la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) a été développé, les responsables voient en cette nouvelle technique un atout fédérateur susceptible de favoriser la coordination des actions de développement.

« Trop d'aide ! A l'aide !!», ces trois mots ont fait la Une des grands titres de magazine rural de la Capitale malgache, attirant l'attention des lecteurs mais plus particulièrement des initiateurs de projets de développement. Faute de coordination des interventions, les bénéficiaires appellent à l'aide. Ils ne savent plus à quel saint se vouer, qu'au lieu de s'attendre à un développement harmonieux, ils se voient confronter à de l'anarchisme, de l'empiétement de projets. « S'il y avait eu une moindre réflexion commune entre les partenaires, cela aurait passé beaucoup mieux », soupire un leader paysan d'Anjazafotsy, Commune rurale d'Andranomafana, District de Betafo. En effet, cette carence se présente sous multiples facettes générant des impacts négatifs sur le développement local : chamboulement et désorganisation, réticence au changement, impossibilité de s'investir, difficulté à élaborer un plan d'aménagement...

Le coloriage de la carte 3D dans la commune d'Andranomafana, commune de Betafo Antsirabe



Quand la coordination fait défaut

Au premier abord, le manque de coordination se manifeste par un développement non équilibré. Dans une même localité, certaines communautés manquent de projets, alors que d'autres en sont inondés. La Commune d'Andranomafana en est victime. Ce petit village de 48 km2 se voit disloqué en deux : le Nord et le Sud. Cinq projets ont élu domicile au Nord tandis que le Sud est complètement déserté. « C'est parce que le Sud est loin de la route nationale, les habitants y sont moins instruits », tente d'expliquer une paysanne. « Il n'en est rien !» réplique l'Adjoint au Maire, Solofo Marc Rakotondrafara. « Cela résulte d'un manque de coordination » martèle-t-il. Les intervenants ne se sont pas suffisamment organisés, choisissant à leur guise leurs zones d'intervention et leurs thématiques préférées sans pour autant en discuter avec les autres. « C'est le règne de chacun pour soi, tout pour moi. L'entente entre les intervenants fait défaut » affirme Rajorosoana Razafimahatratra, technicien du BIMTT (Bureau de Liaison des Institutions de Formation en milieu Rural à Madagascar). La situation laisse les paysans perplexes. Dans ce même village, deux projets se profilent pour mettre en œuvre deux activités presque similaires. L'un, un projet d'alimentation en eau potable et l'autre la lutte contre la défécation à l'air libre. De l'avis du chef de village, « ça aurait été mieux, s'ils ont combiné ces deux activités en une seule (eau et assainissement). Comme ça, les bénéficiaires ne seront pas divisés et la mobilisation beaucoup plus facile », suggère-t-il. Le malheur ne vient jamais seul, plus grave lorsque l'organisation est défaillante, la qualité du service en pâtit. Aussi arrive-t-il que les messages véhiculés par ces projets de développement se contredisent. C'est le cas de nombreux paysans qui ne peuvent même plus s'investir. En effet, l'administration les encourage à enregistrer leurs parcelles auprès du bureau foncier local afin d'obtenir un certificat foncier. Mais au grand dam des agriculteurs, l'institution financière ne reconnaît pas ce même certificat et refuse de leur octroyer un crédit. « J'aimerais qu'ils s'entendent entre eux » se plaint le leader paysan, en quête de fonds pour prévoir la récolte prochaine. Tout cela inquiète les techniciens craignant en effet la réticence des paysans aux innovations. Il n'y a pas que les paysans bénéficiaires qui sont affectés, les dirigeants n'en sont pas non plus épargnés. Ils découvrent également leur programme de développement entravé. Le Directeur régional du développement rural de Miarinarivo, Serge Andriamiarinera, éprouve de difficulté à dresser le plan d'aménagement de sa circonscription : « les initiateurs de projets en place ont des visions différentes, parfois même opposées. Il s'avère difficile de monter un projet d'aménagement dans une situation pareille » reconnaît-il.

Bref, ce contexte hostile ne permet pas au responsable d'avoir une vision holistique de la situation et d'élaborer à termes un schéma d'aménagement global de la Région. La situation demeure embarrassante. Les promoteurs se posent la question de savoir « Comment faire en sorte que les projets à mettre en œuvre à Madagascar s'articulent entre eux, se complètent, s'acheminent vers une vision commune, répondant aux attentes des bénéficiaires ?»

Vivement, le processus de la MP3D !

Dans les trois régions de la Grande île où le processus de la MP3D a été développé, des éléments de réponses sont préconisés. Le Secrétaire Général du BIMTT, Rajoelisolo Kotondrajaona voit en la modélisation participative en trois dimensions (MP3D), un capital fédérateur, capable de promouvoir la synergie des actions de développement villageois : « le processus de la (MP3D) peut y jouer un rôle prépondérant, je dirai même sa raison d'être », affirme-t-il. Rajoelisolo reconnait la suprématie du processus en ajoutant : « la MP3D comprend tout ce qu'il faut pour une meilleure synergie des activités, en trois piliers : le dialogue, les informations, la solidarité. » La maquette participative dispose d'un pouvoir, gage de coordination. Celui de favoriser le dialogue entre les différents acteurs, de fournir des informations fiables, factuelles sur le lieu d'intervention et de cultiver l'esprit de solidarité dans la zone d'action.

La maquette encourage le dialogue. A Anjazafotsy, le processus de la MP3D a réuni autour de la carte le Nord et le Sud, deux communautés en conflit où le développement n'est pas harmonieux. Malgré leur mésentente, le dialogue a été établi le long du processus. Le problème sur la répartition de la source en eau potable et le reboisement a été abordé sans difficulté. Les deux voisins commencent à discuter du développement local, quelques projets commencent à s'implanter au Sud. « Le fait que tout le monde soit réuni autour de la maquette suffise pour qu'un participant soulève le problème et le dialogue s'établit, alors qu'auparavant on esquive le point de discorde », raconte l'adjoint au Maire.

La maquette fournit les informations. Le manque d'information compromet les initiatives et rend les acteurs amorphes. Cette situation renvoie les intervenants dos à dos, ce qui limite leur rapprochement au détriment de la coordination des activités. A Mahiatrondro, Commune Rurale d'Ampefy, au Moyen Ouest, les informations affichées sur la carte, concernant l'avancée de l'ensablement, le manque de terrains cultivables et la disponibilité des pépinières ont éveillé les participants du danger imminent qui court sur eux. Du coup, chaque entité a été fixée sur leur tâche respective et la lutte contre la dégradation de l'environnement a été vite déclenchée. La synergie des activités va de soi : la communauté était en charge du reboisement, la Commune s'occupait des espaces à reboiser tandis que l'organisme AGRISUD mettait gratuitement à leur disposition des jeunes plants ! Une coordination presque parfaite.

La maquette entretient la solidarité. Pour s'attendre à un développement harmonieux, les acteurs devraient être solidaires et unis. Dans le même village de Mahiatrondro, la maquette a cultivé l'esprit de solidarité chez la communauté. « Comme si tout le monde est animé d'un seul esprit, celui de se donner la main, d'aller de l'avant ensemble », renchérit le chef du village. Dans cette localité de 3000 âmes, à l'issue de la confection de la maquette 3D du village, les habitants ont tenu différentes réunions en vue de mettre à l'épreuve tout ce que la maquette les a révélés : couloir des voleurs, source d'eau, terres disponibles...L'entraide de la population a fait reculer la recrudescence des Dahalo (bandits de chemin) et le ravage du feu de brousse. Cela a été le fruit du Dina, une charte interne du village élaboré par la communauté, elle-même. Grâce à leur courage et leur acharnement, le Dina a été depuis peu reconnu effectif par le tribunal local.


Une vision holistique du terroir

La MP3D dispose d'une qualité favorisant l'intégration des aspects socioculturels, économiques et environnementaux du milieu. La vue plongeante donnant une vision holistique du terroir crée une perspective commune à laquelle les participants fixent leur regard. Bref : « une synergie qui s'impose tout naturellement » conclut le technicien du BIMTT. A Miarinarivo, le Directeur régional du développement rural, après avoir observé l'intérêt de la maquette encourage sa mise à l'échelle dans toutes les zones de son intervention. « Je suis en train de monter le projet d'aménagement de la Région. Les informations fournies par la maquette, l'ambiance qu'elle entretient, le dialogue qui s'ouvre, feront avancer considérablement le projet » soutient-il. Pour le Directeur, il est important d'avoir une vision globale de la communauté, des terres et des ressources naturelles du milieu afin de développer un plan d'aménagement exhaustif et pertinent : « cela permet de prendre en compte tous les aspects existants. Des projets, où les uns ne marchent pas sur les pieds des autres, où les intervenants ne se tournent pas le dos », assure-t-il. Sur le littoral Est du pays, le Directeur Général de la Pêche, Jean Razafimandimby, encourage la multiplication des maquettes participatives dans d'autres zones car elles fournissent des données marines précieuses utiles pour prendre les décisions informées et coordonner les actions de préservation d'une pêche responsable dans cette zone marine sévèrement menacée. Les acteurs de la pêche marine, à savoir la Direction régionale de la Pêche, la Mairie de Fenerive-Est, les opérateurs, les pêcheurs prévoient un atelier en vue de discuter de la coordination des actions et des mesures à prendre contre la pêche illégale dans la Commune.

Certes, le processus de la cartographie participative en trois dimensions promeut la synergie des actions de développement villageois, toutefois les acteurs préconisent la modélisation d'une zone plus vaste, à l'échelle d'une ou plusieurs Communes afin de s'assurer d'une synergie plus élargie.

Article par Andriatiana Mamy

Développement personnel des femmes : la modélisation participative en trois dimensions apporte sa pierre à l’édifice

Longtemps soumises, passives mais aussi amorphes, les paysannes d'Ampefy et d'Analavory veulent prendre en main leur propre développement. Mais leur volonté de s'émanciper est souvent confrontée à des obstacles. Aujourd'hui, elles sont incontournables dans le développement de la Région. La modélisation participative en trois dimensions (MP3D) y a apporté sa pierre à l'édifice : les autorités administratives et traditionnelles, les partenaires de développement, la communauté... Tous reconnaissent leurs services.




Une chose a attiré l'attention d'une équipe d'agents de développement rural descendue sur terrain pour constater de visu le dégât engendré par l'ensablement des rizières dans le Fokontany (quartier) d'Atalata Vaovao de la Commune d'Ampefy de la Région d'Itasy au Moyen-Ouest de Madagascar. Une dame enceinte, trainant un sac plein de marchandises, a fait plus de 8 km de marche à pied pour rejoindre ce rendez-vous, si important pour elle. L'exploration va durer quelques heures sous le soleil de plomb d'Ampefy. Elle ne s'en plaint pas. « Pourquoi s'en tenir à être là ? Qu'est ce qui l'a poussée à faire ce marathon ?» D'un air déterminé, elle pointe du doigt un mont partiellement dévasté juste en face des visiteurs : « Regardez, ce dégât vient de là ! Cette montagne a ensablé toutes nos rizières » martèle-t-elle, avant de lancer : « Je ne me tais pas tant qu'on ne s'occupe pas de ce monstre !» Elle, c'est Jeannette Raharimalala, membre fondateur du groupement (KF) Tolotra ou Comité local de développement Tolotra, une association d'environ une dizaine de membres créée pour sensibiliser la communauté pour le développement social et économique du quartier. Bien que le Comité local Tolotra soit ouvert aux hommes, deux-tiers des membres sont de sexe féminin. Ces femmes sont si exceptionnelles que le Directeur régional de la FAFAFI, une ONG d'appui au développement des comités de développement n'a pas caché sa stupéfaction, observant leur dynamisme : « Elles sont décomplexées et deviennent de plus en plus courageuses et entreprenantes !», se réjouit-elle. Le Directeur apporte elle-même les premières explications : « leur épanouissement s'est manifesté depuis quelques années mais a fait un grand bond en avant depuis 2015, année de leur intégration dans le processus de MP3D », soutient-elle.


Des paysannes sous l'ombre des hommes

A Atalata Vaovao, comme dans d'autres régions de Madagascar, les paysannes sont placées au second plan sous l'ombre de leurs maris ou de leurs frères. En effet, les hommes travaillent, fréquentent les bureaux, participent aux réunions tandis que les femmes se contentent de s'occuper des enfants au foyer, de servir les hommes, de préparer le repas avant de s'enfermer dans la cuisine. Peu de femmes sont membres de bureau ou leaders d'une organisation. La société rurale malgache regarde d'un mauvais œil une paysanne qui prend parole devant le public. En outre, deux grands soucis pèsent sur leur communauté : le manque de terre conjugué avec le problème foncier, laissé par les colons français dans cette zone volcanique très productive et le problème crucial d'ensablement des rizières. Si depuis peu, ces rizières ensablées devenaient de parcelles pour contenir provisoirement des cultures de légumes de contre saison, aujourd'hui, il n'y reste plus que de fragments de cailloux et de mauvaises herbes. Le président du quartier d'Atalata, Félecitin Rakotoarimalala marque ses inquiétudes : «si rien ne se fait, dans moins de dix ans, 30 ha de rizières disparaitront rien que dans ma circonscription », lâche-t-il. Le malheur ne vient jamais seul. Pire, le Grand lac d'Itasy en aval, principale source de revenus des habitants est en même temps envahi par les alluvions : « il faut aller de plus en plus loin pour pécher des poissons dont la taille devient de moins en moins grande », renchérit le président. Ce contexte conflictuel de la Région d'Itasy a amené les responsables du BIMTT (Bureau de liaison des Institutions de Formation en milieu Rural) à lancer la cartographie 3D dans cette localité. Malgré leurs contraintes, les femmes d'Atalata Vaovao n'ont pas baissé leurs bras. Elles sont les premières venues à répondre à l'appel. Sous la conduite de techniciens du BIMTT, soutenues par le CTA, elles ont participé activement au processus, avec quelques représentants du village, de la mairie d' Ampefy et des organismes de développement. Le processus a stimulé ces dames, déjà avides de développement.

Du développement personnel...

Pendant la fabrication de la maquette, les femmes ont joué un rôle principal. Celui de mobiliser la communauté entière, notamment les jeunes, les enfants et les adultes. « Elles travaillent dans le couloir mais disposent d'une force tranquille, très directive », reconnait Rajorosoana Razafimahatratra technicien du BIMTT. Elles jouent un rôle d'animateur et de rassembleur : « venez ! Mais où est-il passé ? Appelle-les ? Ne vous en rappelez-vous pas ? Vous êtes le seul à en savoir ! etc. », un véritable catalyseur ! Le processus de fabrication de la maquette au niveau des quartiers est comme un travail au foyer : la cuisson, la lessive, le nettoyage des vaisselles, les préparatifs des enfants pour l'école. Et souvent, c'est la mère qui y prend la commande. Dans l'exercice de 3D, les femmes sont beaucoup plus entreprenantes, habiles et pragmatiques dans le soin, l'ordre, la forme, l'esthétique, la mise à jour, l'entretien, les détails de la localisation (sentiers, sources, ruisseau...). La fabrication de la maquette d'Atalata Vaovao a été sous le contrôle du sexe féminin bien que les hommes s'affichent au premier plan. Il n'est pas étonnant qu'elles soient les premiers primées ! « Cela a relevé leur estime de soi, et renforcer leur confiance mutuelle » confirme le technicien du BIMTT. Le fait d'être invitée au processus est d'abord un signe de reconnaissance à leur existence. « Nous sommes invitées, donc nous pouvons en effet faire quelque chose !» s'affirme Aline Andriamampandry, secrétaire du groupement Mahiatrondro. Et de participer au processus de la fabrication de la maquette, c'est également pour elle un signe de reconnaissance à leurs œuvres. Non seulement elles se réjouissent de pouvoir s'exprimer, de donner leurs avis mais surtout d'être écoutées. Lors de la présentation de la maquette auprès des autorités ou des vazaha (hôtes étrangères), elles se défendent bec et ongles comme un étudiant soutenant une mémoire de fin d'Etudes. « Je ne m'imagine pas pouvoir faire tout ça ! » avoue Josephine Rasoanarilalaina Présidente du groupement Miavotra. Dans la culture malgache, le genre d'activité de construction est surtout consacré aux frères d'Adam. Mais aujourd'hui, tout cela est révolu pour ces paysannes, elles sont affranchies et déterminées au point de faire pression, de revendiquer leur droit. Elles sont pour l'heure à l'origine de revendication de plusieurs litiges fonciers à Ampefy. Pour mieux faire passer leurs idées de développement, certaines d'entre elles n'hésitent pas à participer aux différentes élections régionales.

...Au développement social

Le développement personnel des femmes se traduit en développement social et économique de la communauté autour d'elles. Elles et leurs Groupements sont reconnus aussi bien au sein de leur propre communauté qu'auprès de l'extérieur. La communauté les consulte. Les autorités communales s'adressent à eux pour des questions liées au développement local. Elles jouent le rôle d'interface entre le projet de développement et les bénéficiaires. « Nous avons recours à leurs groupements à chaque besoin de sensibilisation locale » confie un responsable de projet en eau potable. Dans la circonscription où les groupements (KF) sont implantés, le développement de la communauté est palpable. Rien que dans le village de Mahiatrondro de la Commune d'Analavory, la discussion enclenchée par la maquette a mis en garde les acteurs du danger engendré par de la dégradation de l'environnement. Les premiers impacts se sont répercutés au niveau de la mentalité des gens. Depuis deux ans, selon le président du quartier Justin Razafindrakoto, le feu de brousse a chuté de moitié, la défécation à l'air libre est éradiquée. La maquette a facilité l'identification des zones à reboiser, une collaboration avec le projet AgriSud fournisseurs de jeunes plants est en cours. 1.000 plants ont été mis sur terre. Le processus MP3D a fait comprendre aux acteurs que les terres disponibles sont de plus en plus rares, les femmes en sont les plus averties et passent à l'action. Du coup, elles ont diversifié leurs activités. Si les unes ont opté pour l'élevage et le gavage de Canard, les autres ont développé les greniers villageois, le guide touristique ou l'artisanat. Au point de vue sécurité, l'auto-défense populaire est mise en place et reconnue par le tribunal régional.


Des expériences qui font tâche d'huile

L'engagement des Comités pour le Développement d'Ampefy et d'Analavory ne s'arrête pas là ! D'une part, leur initiative fait tâche d'huile dans leur propre quartier pour enfanter plusieurs sous comités renforçant davantage le développement de la communauté locale. Neuf groupements (KF) ont vu le jour dans ces localités en moins de deux années. Convaincu de l'efficience de ces groupements, le chef de quartier a décidé de les intégrer dans la structure formelle de sa circonscription. Du fait de leur dynamisme, la mairie entend promulguer un arrêté communal nommant les paysans et paysannes membres des KF : Agents de Développement Villageois (ADV). D'autre part, leurs expériences ont franchi la frontière de la Commune et s'étendent dans les Communes voisines du District d'Analavory. Cela a été enclenché après la présentation de la maquette durant la foire régionale du district d'Analavory. Plusieurs autres Villages et Communes du District se proposent actuellement de créer leur propre comité de développement. Pour le Directeur régional de la FAFAFI, le résultat est évident : « le développement personnel des gens une fois acquis demeure à jamais et favorise un développement communautaire durable.» Les Comités pour le Développement sont le foyer de développement local dans toute la Région d'Itasy. « Quand les femmes sont accompagnées, moralement et techniquement, elles sont capables de faire des choses inimaginables » affirme le directeur. Dans le cas de MP3D, au moins un technicien est mis leur disposition tout au long du processus. Kidja Marie Francine, Directeur Général du Ministère de la Population et de la Promotion des Femmes, voit les initiatives très engageantes : « Nous soutenons les actions favorisant l'autonomisation des femmes » promet-elle.

Article écrit par Interview de Mamy Andriatiana pour le CTA


Inégalité de sexe à Madagascar : Les femmes rurales victimes de non droit


A Madagascar, les femmes représentent 50,6% de l'ensemble de la population. Elles sont une véritable force de travail, leurs insertions sur le marché de travail est de 62% contre 68% pour les hommes, notamment dans les activités informelles. En zone rurale, elles sont en activité permanente entre les travaux domestiques, telles que l'entretien du ménage, la préparation des repas, le décorticage du riz, la collecte de l'eau et du bois, les soins de santé des enfants et les activités agricoles. Elles sont à 78 % actives dans le secteur agricole où elle produit plus de la moitié des cultures vivrières. Soit : 16 et 18 heures de travail par jour.

Malgré leurs importantes contributions, elles sont peu estimées, moins valorisées. A la maison, l'homme occupe une position dominante par rapport à celle de la femme. Le DG du ministère de la population déplore : « si les deux époux rentrent à la maison chacun après un dur labeur, la femme n'a pas droit au repos et s'occupe de tout, alors que le mari peut se permettre de lire le journal.» Par ailleurs, elles ne sont pas héritières et n'ont pas accès à la terre. L'exploitation des terres incombe inévitablement à l'homme. L'adage le confirme «que vous soyez intelligente ou ignorante, vous restez une épouse.» Si un divorce arrive, elle risque de partir les mains vides. En plus, elles n'ont pas accès au crédit, car ne disposent d'aucuns biens (terres ou maisons...) pour garantir un éventuel prêt bancaire. Et pourtant la loi en vigueur stipule l'égalité de droit pour tous les individus (homme et femme). Droit de propriété, droit d'hériter, droit d'exploiter, droit de jouir de parts égales (moitié-moitié) au régime matrimonial. A Madagascar, les obstacles à l'égalité effective entre hommes et femmes se situent au niveau de l'application des lois, de fait de la prédominance des coutumes et tabous sociaux sur l'effectivité des droits des femmes mais aussi de l'absence de textes d'application.

Saturday, January 07, 2017

Le savoir et l’eau : favoriser la croissance Modélisation participative en 3D dans le Darfour du Nord

Le Darfour du Nord est une région sèche et poussiéreuse la majeure partie de l’année ; mais lorsqu’il pleut, le retour de la végétation lui redonne vie. Wadi El Ku, un cours d’eau saisonnier, se met soudain à couler et à alimenter en eau des milliers d’individus, leur bétail et leurs cultures. Cette région est vitale car elle est le grenier de la ville d’El Fasher, la capitale du Darfour du Nord où vivent environ 700 mille habitants.

Mais au cours des 20 dernières années, l’environnement a subi une dégradation généralisée aggravée par le changement climatique. Cette vidéo raconte l'histoire de certains habitants de cette zone qui ont uni leurs forces pour réfléchir et trouver des solutions durables notamment en ce qui concerne le manque d'eau et sa mauvaise gestion.

Le savoir et l'eau : favoriser la croissance - Modélisation participative en 3D dans le Darfour du Nord from CTA on Vimeo.

Cette activité de modélisation participative fait partie du 'Projet de gestion du bassin hydrographique de Wadi El Ku pour le développement des communautés et le maintien de la paix', financé par l'Union européenne en coopération avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Practical Action et le CTA.

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Friday, September 02, 2016

Des cartes qui changent tout : comment des maquettes en 3D aident les communautés rurales à faire entendre leur voix

La construction de véritables maquettes en trois dimensions dans les villages contribue à réunir le savoir traditionnel et les connaissances scientifiques modernes pour relever des défis allant de la dégradation des sols à la planification de l’utilisation des terres, en passant par la gestion des forêts et le changement climatique. La technique, connue sous le nom de «modélisation participative en trois dimensions», permet aux communautés marginalisées de présenter leur territoire – ainsi que les connaissances approfondies qu’ils en ont – sous une forme visuelle. Ce processus leur offre ainsi l’occasion de protéger de précieuses ressources naturelles des menaces extérieures et de les préserver pour les générations futures. Certaines des expériences sur le terrain sont réunies dans un nouvel ouvrage. Le pouvoir des cartes - Quand la 3D s'invite à la table des négociations est publié par le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA), qui est en première ligne de la promotion de cette pratique dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Développée au début des années 1990 en Asie du Sud-Est, la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) gagne rapidement du terrain dans d’autres régions du monde en développement. Les modèles participatifs en 3D, fabriqués en carton et illustrés à l’aide de peintures de couleur, de punaises et de fil, représentent l’occupation des terres, par exemple les zones cultivées, les rivières et les forêts, ainsi que d’autres caractéristiques, comme les ressources côtières et la profondeur des mers. Les maquettes montrent aussi les connaissances traditionnelles, comme les droits fonciers ancestraux et les lieux sacrés. Ces éléments sont généralement fournis par les aînés de la communauté, tandis que les plus jeunes construisent la carte elle-même. Le résultat est une maquette en relief, indépendante, qui constitue un outil efficace d’analyse, de prise de décision, de plaidoyer, d’action et de suivi.

« Le savoir sur les ressources terrestres, forestières et aquatiques accumulé au fil du temps et transmis de génération en génération représente un atout majeur pour les populations rurales », affirme le Directeur du CTA, Michael Hailu. « La possibilité de compiler et de géo référencer des connaissances locales et de les représenter sous la forme de cartes en trois dimensions représente une occasion unique pour les populations locales de faire entendre leur voix lors des décisions en matière de gestion durable de leurs ressources. »

Souvent, le processus de modélisation participative en trois dimensions favorise lui-même l’autonomie. Il rapproche des communautés et des générations et les aide à visualiser l’étendue de leurs ressources et la façon dont le changement climatique et d’autres menaces, comme l’extraction minière et la déforestation, peuvent les impacter. Une fois terminée, la maquette reste dans la communauté.

Des études de cas menées en Éthiopie, aux Fidji et à Madagascar montrent comment la MP3D a permis le développement de plans de gestion des ressources naturelles par la communauté. D’autres exemples décrits dans la publication révèlent que cette technique permet aux communautés rurales marginalisées de faire entendre leur voix. En République démocratique du Congo, la communauté pygmée Bambuti-Batwa s’est servie d’un exercice de MP3D pour négocier sur ce qu’ils considèrent comme une injustice : leur expulsion du territoire qu’ils occupent depuis des générations.

La cartographie en trois dimensions a aussi permis à une tribu de chasseurs-cueilleurs au Kenya, les Ogiek, de documenter ses droits territoriaux ancestraux et systèmes de connaissances traditionnels. Tandis qu’à Tobago, une île des Caraïbes qui a subi une série de phénomènes climatologiques extrêmes ces dernières années, la MP3D a servi à orienter les stratégies communautaires de réduction des risques de catastrophes naturelles.

La coopération Sud-Sud contribue à faire connaître la pratique de la modélisation participative en trois dimensions et le CTA est étroitement impliqué dans les efforts de partage des activités de formation et de facilitation entre les îles des Caraïbes et du Pacifique et une série de pays africains.

La MP3D peut avoir d’autres retombées positives, notamment en offrant de nouvelles compétences et une confiance en soi accrue aux individus impliqués dans le processus et en dégageant des financements pour la mise en œuvre d’activités dans les communautés. Citons la Grenade à titre d’exemple où une maquette participative en 3D a eu un impact direct sur la communauté qui l’a créée en mobilisant des financements des bailleurs de fonds pour l'adaptation au changement climatique sur une partie du littoral gravement endommagée par un ouragan.


« La modélisation participative en 3D, le processus au cœur de cette publication, s’est révélée efficace pour récolter chez diverses personnes une quantité substantielle de ce que l’on qualifie de connaissances tacites et pour assembler des points de vue individuels dans une représentation partagée, visible et tangible des connaissances collégiales », déclare Giacomo Rambaldi, Coordonnateur de Programme Sénior, en charge de la participation du CTA aux processus de MP3D. «L’ajout d’un emplacement géographique à toute information ou donnée accroît sa pertinence. La MP3D permet donc à ceux qui détiennent les connaissances de visualiser et de géo référencer leur savoir traditionnel et de nouer un dialogue d’égal à égal avec des étrangers. »

Vous pouvez commander un exemplaire imprimé et télécharger le livre.

Thursday, March 24, 2016

Être sur une carte veut dire exister : l'expérience des Saramaca

Les communautés Saramaca du Suriname cherchent la reconnaissance de leur savoir traditionnel par le gouvernement

Le 23 février 2016, 18 représentants de la communauté Saramaca issus des régions de Brownsweg et du cours supérieur du fleuve Suriname ont rencontré des décideurs politiques et des acteurs concernés à Paramaribo, la capitale du Suriname. La rencontre a été organisée par les peuples Saramaka afin de partager les résultats d’un processus de deux ans qui a mené à la visualisation et la documentation de leurs connaissances traditionnelles d’une vaste région.

Cartes générées en utilisant des données extraites d’un modèle 3D participatif à échelle 1:15 000 de la zone de Brownsweg (produites en novembre 2015), combinées à un modèle numérique d’élévation obtenu de la Fondation pour la gestion des forêts et le contrôle de la production, au Suriname.
Ont dit qu'une image vaut mille mots. Dans ce sens, les peuvent en effet être un moyen très efficace de transmettre des messages inhérents à la distribution ou accès aux ressources. En fait, le résultat tangible du processus consistait en une série de cartes physiques et numériques générées par la communauté – des cartes dont les délégués Saramaca se montrèrent très fiers.


Les cartes ainsi que les séries de données connexes furent produites en langue Saramaca, en anglais et en néerlandais lors de trois exercices de modélisation participative en trois dimensions (MP3D) organisés en 2014 et 2015. Les exercices impliquèrent 220 habitants, y compris des femmes, des jeunes et des personnes âgées. Un film documentaire sur le processus fut publié en 2015 en langue Saramaca, en anglais et en français.


Lors de la réunion, les leaders Saramaca ont souligné l'unicité des données que les communautés impliquées sont parvenues à rassembler, à géo-référencer et à visualiser en utilisant des technologies sophistiquées comme les systèmes d'information géographique (SIG). En bénéficiant du soutien de l'extérieur, les détenteurs de savoir ont été à même de partager leurs cartes mentales et leurs souvenirs, des apports fondamentaux pour peupler les modèles en 3D vierges.

Les représentants Saramaca ont attiré l'attention sur la pertinence et la précision des données, ainsi que leur accessibilité à de tierces parties à condition d'obtenir le consentement préalable à leur utilisation. « Nous avons créé cette carte pour qu'elle soit utilisée. Nous voulons que d'autres personnes l'utilisent. La seule chose que nous demandons c'est que les données ne soient pas utilisées sans nous impliquer », soulignait l'un des représentants de la communauté.

Les délégués Saramaca ont encouragé l'utilisation des données à des fins de planification spatiale et ont lancé un appel au gouvernement et aux investisseurs du secteur privé pour que ces derniers reconnaissent les Saramaca en tant que parties prenantes principales et, par conséquent, pour qu'ils les impliquent au maximum dans la planification des exploitations forestières et dans la gestion des zones protégées et des concessions aurifères situées dans le territoire Saramaca traditionnel.

Ils ont également préconisé la reproduction de processus de MP3D dans le reste du territoire Saramaca de façon à générer une carte complète des terres Saramaca traditionnelles. Pour ce faire, ils ont exhorté le gouvernement, les organisations de développement, le secteur privé et les ONG présentes à la réunion à lever les fonds nécessaires.

L'événement était organisé par Tropenbos International Suriname, WWF Guyanas et l'Association des autorités Saramaca. Outre Tropenbos International Suriname, les sponsors du projet comprenaient le Programme de microfinancements du Fonds pour l'environnement mondial (UNDP GEF-SGP) et le CTA. Les contributions de ces organisations ont été dûment reconnues. Les participants ont notamment décrit ces contributions comme du terreau fertile pour l'autonomisation de la communauté à travers la MP3D, un processus très novateur selon eux. Les participants ont également signalé que le processus de MP3D a inspiré d'autres communautés qui sont à présent en train de demander le soutien nécessaire à la mise en œuvre de processus de MP3D dans leurs territoires.

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Tuesday, November 03, 2015

L’équipe samoane de cartographie participative a reçu un prix de développement durable

Le 25 septembre 2015, le département forestier du Ministère des ressources naturelles et de l’environnement des Samoa (MNRE) a reçu le prix de l’innovation et de l’excellence dans la fonction  publique dans la catégorie initiative en faveur d’un développement durable et respectueux de l’environnement pour la mise en œuvre du projet sur l’intégration des risques et de la résilience au changement  climatique dans la gestion des forêts  (ICCRIFS).

Le projet ICCRIFS Project s’étale sur une durée de quatre ans et est financé par  le Fonds pour l’environnement mondial (FEM, GEF en anglais) via le le programme des Nations Unies pour le développement  (PNUD). L’objectif du projet est d’intégrer les risques liés au changement climatique dans la gestion des forêts aux Samoa. Après une formation organisée en 2012 par le  Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) portant sur l’utilisation de la modélisation participative en trois dimensions (MP3D), les équipes du projet ICCRIFS ont mis sur pied 18 exercices de MP3D à l’intention des communautés locales dans des domaines comme la gestion de l’eau, des forêts et le tourisme. Le premier modèle participatif en trois dimensions qui a été mis en œuvre  (il couvrait les villages s’étendant de Laulii à Falevao) est devenu un outil de plannification très efficace. Il a permis d’impliquer les gens en leur apportant des connaissances et des compétences en matière de gestion de l’environnement et en leur fournissant des outils pour s’adapter au changement climatique et en réduire les effets.

La remise des prix de l’innovation et de l’excellence dans la fonction publique a eu lieu le 25 septembre dans le cadre de la quatrième journée de la fonction publique. Cette journée est organisée pour commémorer, célébrer et reconnaître la contribution et le rôle de la fonction publique en vue du développement national des Samoa. Près de 50 ministères gouvernementaux et d’organismes publics ont pris part aux célébrations cette année.

Ces prix visent à saluer le dévouement que les fonctionnaires mettent à remplir la mission des ministères et départements pour lesquels ils travaillent. La désignation des lauréats potentiels a été demandée au grand public au mois d’août et ces choix ont ensuite été évalués par un panel indépendant de trois membres : le Président de la Chambre de commerce au nom du secteur privé, Vaasilifiti Moelagi Jackson (Président ad intermim de SUNGO) au nom de la société civile et le Président de la Commission.

Le grand public ainsi que les établissements scolaires étaient invités à cette occasion à communiquer avec les agences gouvernementales afin d’avoir une meilleure compréhension de leur rôle et de leurs fonctions, ainsi que de la manière dont ces agences ont une influence sur la vie de tous les jours.

Thursday, May 07, 2015

Construction participative de maquettes en trois dimensions - Guide méthodologique


https://www.avsf.org/public/posts/1329/guide_construction_participative_maquette3d_avsf_2013.pdf
Produit à partir du projet "Soutien aux économies paysannes vulnérables du bassin versant de la rivière Fond Melon et de la vallée de Marbial" mis en place par AVSF et son partenaire CROSE de 2007 à 2010 dans le Sud-Est d’Haïti, ce guide méthodologique présente une expérience innovante de construction et utilisation de maquette en 3D pour créer une véritable dynamique de démocratie locale pour l'aménagement d'un territoire rural.

Dans une 1ère partie, le guide présente les conditions et outils pour la fabrication de maquettes en 3D, en rappelant quelques spécificités liées au contexte haïtien et les différentes adaptations pratiques développées.

Dans la 2ème partie, il expose les approches et méthodes de valorisation et d’animation autour de cet outil, pour créer de véritables dynamiques de démocratie locale.


Thursday, March 26, 2015

Reproduire le processus en République démocratique du Congo - La modélisation participative en trois dimensions à Madagascar : une grande première -

La narration des co-facilitateurs locaux publiée le 25 mars 2015 a été enrichie, le 19 mai 2015, avec la publication d'un article d'opinion écrit par un observateur venu de la République démocratique du Congo sous l'invitation du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).

Ecrit par Dominique Bikaba, Strong Roots Congo

La Modélisation participative en trois dimensions (MP3D) a déjà démontré, à travers plusieurs pays, un potentiel non négligeable quand il s’agit de mobiliser des communautés pour qu’elles planifient et gèrent de façon participative le territoire où elles habitent et les ressources naturelles qui les entourent. A Madagascar, le tout premier exercice de MP3D a eu lieu en février 2015, notamment dans le bassin versant d’Avaratrambolo.

L’exercice était conduit dans une zone rurale et agricole à plus ou moins 35 km de la capitale malgache, Antananarivo. La population de cette zone située dans la partie septentrionale de l’ile ne vit que de l’agriculture rizicole, avec un faible pouvoir d’achat et d’accès aux marchés. Le paysage rural est dominé par des terrasses de cultures rizicoles, certaines portions de plantations sylvicoles et un petit reliquat de forêt naturelle. La zone est aussi importante car elle constitue un bastion de sources des principales rivières de la région.

L’exercice de modélisation participative a eu lieu dans le cadre d’un projet de promotion agricole et de captage de l’eau potable intitulé « Allons vers une évolution », soit Ndao Hivoatra en langue malgache. Ce projet, qui a mobilisé plusieurs partenaires locaux, nationaux et internationaux dans cette partie de Madagascar, revêt une connotation particulière pour les communautés locales.

L’implémentation du projet de développement rural se déroule dans trois villages, avec le financement de la Banque Mondiale via l'Association pour le Renforcement de la Recherche Agricole en Afrique Orientale et Centrale (ASARECA) est sous la responsabilité d’Artelia Madagascar avec l’appui technique de Farming and Technology for Africa (FTA) et le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) comme partenaire scientifique. L'exercice de MP3D représente une composante ponctuelle du projet, qui compte avec le soutien technique et financier du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).

Comme dans plusieurs zones en Afrique, les questions foncières sont très sensibles dans cette région. C’est ainsi qu’on explique que, en général, des communautés locales puissent être moins participatives aux multiples projets de développement rural dans le milieu. L’exercice MP3D au Madagascar a contribué sensiblement à briser les barrières liées aux sensibilités foncières de ce projet. Comme pour les projets précédents dans la zone, le projet Ndao hivoatra était sous-entendu par les communautés rurales comme une astuce de l’accaparement des terres ancestrales au profit de certaines multinationales qui se font passer pour promoteurs du développement rural dans des zones reculées en Afrique. Quand bien même, la question de la cartographie était comprise par les communautés bénéficiaires comme un moyen d’identifier les terres propices pour cette allégation d’accaparement, malgré les multiples séances de sensibilisations des facilitateurs locaux qui ont précédé l’exercice de MP3D dans le village d’Ambohitrakely.

La première phase de l’exercice prévoyait la construction de la maquette de MP3D. Cette étape était précédée par un atelier regroupant les facilitateurs locaux et internationaux venus de la République Démocratique du Congo (RDC), ainsi que les représentants des institutions impliquées dans le projet Ndao hivoatra pour donner l’ossature de l’exercice et pour identifier les préalables matériels, logistiques et de participation communautaire dans la zone du projet. C’est lors de cet atelier qu’une compréhension commune sur l’ampleur du projet de la maquette s’est dessinée.

La première visite des facilitateurs au village d’Ambohitrakely s’est déroulée sous une pluie torrentielle dans une zone érodée et moins praticable. Cette visite visait à mobiliser particulièrement les enfants écoliers pour contribuer aux travaux de traçage et de découpage des couches de la maquette, après avoir réuni au site tous les matériels requis. Le travail des enfants sur la maquette a suscité la bonne curiosité de leurs parents. Progressivement, les parents des enfants et beaucoup d’autres habitants des villages du bassin versant d’Avaratrambolo se sont mobilisés pour contribuer à la construction de la maquette. Madagascar MP3D

Le 13 février 2015, lors de son exposition officielle, la maquette a réuni dans le village d’Ambohitrakely des représentants de différents ministères en charge des affaires foncières et du développement rural, des chercheurs et des représentants des acteurs de développement intervenant dans la zone, les autorités locales, religieuses et coutumières, ainsi que toutes les couches sociales de la population qui initialement semblaient participer timidement au projet Ndao Hivoatra suite à sa sensibilité liée aux questions foncières. La maquette s’est avérée donc un élément réconciliateur avec le projet. La participation active des communautés locales du bassin versant dans la construction de la maquette et, particulièrement, dans la capture des données géo-spatiales de la zone, a notablement accru la confiance du chef des bénéficiaires. Il faut savoir que la maquette appartient aux communautés locales en tant qu’outil pour orienter les travaux du projet Ndao Hivoatra.

La maquette de MP3D se veut donc un outil puissant de planification, de gestion et d’aménagement foncier et forestier. Le succès de cet exercice à Madagascar a suscité l’utilité de l’étendre dans d’autres régions en Afrique. Par exemple, l’exercice pourrait être répliqué dans l’est de la RDC, où le processus de gouvernance et de gestion des forêts communautaires poursuit son parcours. Après la publication du Décret No 14/018 du 02 août 2014 fixant les modalités d’attribution des concessions forestières aux communautés locales en RDC, celles-ci et les peuples autochtones qu’elles regroupent, nécessitent cet outil pour les zonages de leurs territoires ancestraux au profit des projets de conservation et de développement durable dans la région. La création et le fonctionnement des forêts communautaires, ainsi que la reconnaissance des Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire (APACs) en RDC est un processus qui requiert non seulement la passation d’une législation y afférente, mais aussi et surtout, d’un engagement déterminant des autres parties prenantes. Sans l’accompagnement de cette initiative par les autres acteurs techniques, scientifiques et financiers, la bonne volonté du gouvernement de la RDC pourra difficilement se réaliser.

Note de l'auteur : Le succès de cette modélisation participative en 3 dimensions revêt aussi les qualités et les compétences de l’expert en MP3D et facilitateur de cet exercice cartographie participative  à Madagascar, Barthelemy Boika, qui a démontré ses talents d’éducateur et de mobilisateur communautaire tout au long de l’exercice dans le bassin versant d’Avaratrambolo. Nos remerciements s’adressent également au Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) pour l’appui technique et financier à ce projet de MP3D à Madagascar.

Regardez l'entretien vidéo avec M. Dominique Bikaba, directeur de Strong Roots Congo. Le CTA invita Dominique à participer à l'exercice de façon à l'exposer à la pratique de MP3D et ainsi faciliter la reproduction de l'exercice dans le bassin du Congo.

Commentaires de Dominique Bikaba sur sa participation à un exercice de MP3D à Madagascar from CTA on Vimeo.

Thursday, March 12, 2015

Données participatives

La modélisation participative en trois dimensions est un outil communautaire qui s'appuie sur le savoir autochtone local à des fins multiples, comme la planification de l’utilisation des sols, la gestion de bassins hydrologiques, la prévention contre les catastrophes, la communication et la sensibilisation.

Contribution d’une femme à la production de données pour
le modèle  3D (Villages de Telecho et Oromia en Ethiopie, 2010)
La modélisation participative en 3D (MP3D) est un outil communautaire, qui peut tout aussi bien être défini comme un « processus », qui intègre des connaissances spatiales locales et des données sur l'élévation du terrain et la profondeur des mers pour générer un modèle physique. Les communautés locales participent à la modélisation du territoire dont dépendent leur subsistance et leurs pratiques culturelles. Les données générées par le processus de MP3D sont extrêmement variées, mais pour l'essentiel, elles sont pertinentes pour les détenteurs du savoir local (couverture des sols, utilisation des sols et infrastructure, etc.) et sont étroitement liées à la culture d'un peuple donné, à ses sites sacrés, à ses cimetières.

La MP3D est déjà utilisée dans de nombreuses situations : la revendication de la propriété d'un territoire, le transfert de connaissances intergénérationnel et la gestion des conflits. Elle a récemment pris son essor dans la région Pacifique, permettant à la population des petits pays insulaires, où la montée du niveau de la mer menace les moyens de subsistance de nombreuses personnes, à prendre des décisions informées pour une gestion optimale des risques et une adaptation au changement climatique. 

Origines de la MP3D

La MP3D a d'abord été utilisée à la fin des années 1980 en Thaïlande afin de montrer où le Département royal des forêts développait des plantations dans le cadre de la réhabilitation de bassins versants. Il s'agissait alors d'un outil de démonstration axé sur la conservation, et non d'un outil participatif. Madame Uraivan Tan-Kim-Yong, docteur en anthropologie à l'université de Chiang Mai, dirigeait alors un programme de recherche faisant participer des tribus vivant dans les montagnes. Elle invitait ses élèves à fabriquer de petites maquettes en polystyrène et à les apporter dans les villages pour discuter de la conservation des sols et des problèmes liés à l'érosion. 

Ces modèles ont démontré leur utilité et ont fini par attirer l'attention d'autres protagonistes qui ont commencé à développer et à déployer le processus de MP3D. Le Programme germano-thaï de développement des régions montagneuses (TG-HDP) (1981-1998), financé par l'Agence de coopération technique allemande, était l'un des premiers à adopter de cet outil [1]. Pour la première fois, les modèles 3D ont commencé à être utilisés dans les villages et de façon participative. Ils ont commencé à évoluer d'un outil de démonstration à un outil d'éducation, pour finalement devenir un outil de planification. En 1993, un atelier a eu lieu en Thaïlande, où ont assisté plusieurs ONG d'Asie du Sud-Est. Des organisations telles que l'Association philippine pour le développement interculturel (PAFID) et le Forum écologique des Visayas occidentales ont commencé à adopter la MP3D et à l'utiliser avec les populations autochtones. Les modèles les ont aidés à répondre à la demande de minorités tribales de générer un grand nombre de données prouvant leur occupation ancestrale des terres et de l'eau afin d'obtenir les droits coutumiers d'occupation et d'usage reconnus par le Gouvernement. Au fil des années, la MP3D a profité de la créativité des nombreux utilisateurs qui ont pris part au processus. 

Défis initiaux  

Toutes les nouvelles technologies se heurtent à des difficultés lors de leur mise en œuvre. Avec la MP3D, le premier défi est la disponibilité de modèles numériques d'élévation (MNE) suffisamment détaillés, à jour et précis.
De personnes âgées discutant des caractéristiques d’une carte sous
le regard et l’écoute attentifs de jeunes.  (Villages de Telecho et
Oromia en Ethiopie, 2010)
Par exemple, certains MNE ont été produits il y a plusieurs décennies. Or, si un modèle vierge est élaboré sur la base d'un modèle d'élévation obsolète, les dépositaires de savoir pourront signaler le changement de caractéristiques topographiques, comme l'érosion d'un littoral, la modification du cours d'une rivière ou la transformation d'une côte en raison d'un glissement de terrain. Une fois le problème du MNE résolu, les détenteurs du savoir local renseignent le modèle et y partagent et visualisent leurs connaissances spatiales. Les habitants s'amusent beaucoup à faire ce genre d'exercice, qui de surcroît est très gratifiant. 

Appliquer la MP3D pour cartographier des zones étendues, comme par exemple un pays entier, constitue un autre défi. La MP3D requiert une préparation et une logistique considérables. Par conséquent, l'outil est fréquemment déployé dans des points chauds ou des régions sensibles. Dans les petits états insulaires, c'est un outil utile pour cartographier les paysages terrestres et marins, et, à terme, de vastes régions voire un pays entier. 

Dans certains pays, l'utilisation de la MP3D a eu un impact indéniable sur la politique. Aux Philippines, le gouvernement a adopté le processus dans de nombreux de contextes allant de la résolution des conflits à l'attribution de la propriété foncière et maritime aux autochtones. En 2001, le ministre de l'Environnement et des Ressources naturelles a signé une circulaire administrative recommandant l'utilisation de la MP3D dans la « planification des zones protégées et la gestion durable des ressources naturelle » [2]. À compter de novembre 2014, 165 modèles fournissant des données fondamentales pour le processus d'élaboration de politiques ont été réalisés dans les Philippines. Autre cas plus récent, le gouvernement du Samoa a adopté le processus dans le cadre de l'adaptation au changement climatique et de la gestion des risques axée sur la communauté. 

Au niveau international, la MP3D a été recommandée par le CTA, le PNUD, le FIDA, le FEM, l'UNESCO et plus récemment par l'UICN dans le cadre de la « promesse de Sydney » de 2014. 

Du support physique au support numérique  

Il est important de définir où les modèles 3D sont stockés, qui est responsable de leur conservation, de leur usage et de leur mise à jour. Un modèle est inutile s'il est enfermé dans une pièce inaccessible ou si on le place dans une vitrine et que l'on en fait une pièce de musée. Les modèles doivent faire partie de la vie de tous les jours. Ils servent à enseigner la géographie et l'histoire du territoire aux enfants. Cela est vrai pour les modèles physiques qui se trouvent généralement sous le contrôle direct des détenteurs du savoir. Leur représentation numérique, en revanche, suit une tout autre voie et ses dépositaires sont généralement différents. 

Une fois que les données passent du support physique au support numérique, il existe un risque de mauvaise utilisation ou de partage involontaire. Il est essentiel que les intermédiaires désignés comme les dépositaires des données soient une entité fiable et digne de confiance qui protégera ces données et répondra aux souhaits de la communauté lorsqu'il s'agira de les partager. La confiance et l'éthique jouent ici un rôle important. Les personnes qui effectuent des travaux de recherche extraient parfois des données et pourraient ignorer le fait que le processus de cartographie devrait d'abord et avant tout profiter aux détenteurs du savoir. Des individus sans scrupule pourraient entraîner d'autres personnes à partager les données afin de les exploiter. La MP3D suppose un niveau d'éthique élevé et une relation de confiance entre les différents acteurs, à savoir, les détenteurs du savoir et les intermédiaires/facilitateurs maîtrisant les technologies. 

En 2006, la communauté d'utilisateurs se consacrant à la pratique des SIG participatifs a mis au point une directive [3] sur l'éthique pratique destinée aux utilisateurs des SIGP, les facilitateurs, les intermédiaires technologiques et les chercheurs afin d'encourager l'adoption de bonnes pratiques. Elle a été publiée en 12 langues et régit le comportement des personnes impliquées dans les processus de génération, de traitement, de stockage et de partage des données en cartographie participative. Le code recommande que les détenteurs du savoir gardent le contrôle total tout au long du processus et que les données soient rassemblées, puis partagées avec leur consentement libre et éclairé. 

En majorité, les données de la MP3D ont été bien protégées. Toutefois, il est arrivé que des données entrées dans un modèle soient mal utilisées. En Asie du Sud-Est, on rapporte que des tombes situées sur un modèle 3D ont été pillées parce ces données n'avaient pas été retirées et avaient été laissées accessibles au public. Par conséquent, il est important de sensibiliser les gens sur les implications de la géolocalisation des données sensibles et leur diffusion au public. Ils peuvent alors décider ce qu'ils peuvent visualiser, ce qu'ils veulent abandonner ou effacer du modèle. 

Un des composants les plus importants du processus de MP3D est l'implication d'agences externes depuis le tout début. Cette implication peut sensibiliser les personnes extérieures à la profondeur, à la précision et à la pertinence des savoirs locaux. Elle peut également susciter un nouveau sentiment de respect pour les détenteurs du savoir local. 

Références   

[1] P3DM for Participatory Land Use Planning (PLUP) in Thailand, Integrated Approaches to Participatory Development (IAPAD). 

[2] Participatory 3-Dimensional Modelling as a Strategy in Protected Area Planning and Sustainable Natural Resources Management.Memorandum, Department of Environment and Natural Resources, Republic of the Philippines, Integrated Approaches to Participatory Development (IAPAD). 

[3] Rambaldi,G., Chambers, R., MCcall M. And Fox, J. (2006) Practical ethics for PGIS practitioners, facilitators, technology intermediaries and researchers, Participatory Learning and Action, 54, IIED (April) 106-113. 

Pour entrer en contact avec la communauté SIGP, vous pouvez vous inscrire à la liste électronique de discussion. C'est le meilleur moyen pour se tenir au courant de ce qui passe dans le domaine SIGP ainsi que pour poser des questions et partager des opinions. La liste global francophone compte environ un millier de membres. La liste propose également des rubriques pour l'échange en anglais, en français et en portugais. Pour s'inscrire et en savoir davantage, veuillez visiter le site http://www.ppgis.net 

Monday, March 02, 2015

La modélisation participative en trois dimensions à Madagascar : une grande première

Situé à 35 km de la capitale Antananarivo, le bassin versant d’Avaratrambola qui inclue trois fokontany (village traditionnel malgache) dont Avaratrambolo, Ampahitrizina et Ambohitrakely, appartient à la commune rurale d’Ambohitrolomahitsy. Elle couvre une superficie de plus de 13 km². Les caractéristiques agro-climatiques et socio-économiques du bassin versant sont typiques de la région centrale du Madagascar, qui est formé par des hauts-plateaux. Dans le cadre du développement rural, un projet appelé Ndao Hivoatra qui signifie « Allons vers une évolution » a été appliqué aux trois fokontany cités précédemment. L’implémentation du projet financé par la Banque Mondiale via l'Association pour le Renforcement de la Recherche Agricole en Afrique Orientale et Centrale (ASARECA) est sous la responsabilité d’Artelia Madagascar avec l’appui technique de Farming and Technology for Africa (FTA) et le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) comme partenaire scientifique.

Pour stimuler la participation de la communauté, l’équipe de gestion du projet a opté pour une nouvelle approche, plus participative et ayant déjà fait ses preuves dans divers pays : la modélisation participative en trois dimensions ou MP3D, une première à Madagascar. Cet exercice de cartographie participative a eu lieu du 3 au 13 Février 2015 avec la participation active des habitants des trois fokontany, des techniciens affectés au projet, des co-facilitateurs locaux, des représentants de diverses Organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que de deux facilitateurs expérimentés venus de la République démocratique du Congo (RDC). La présence de ces derniers était soutenue par le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). L’exercice s’est effectué en trois grandes étapes biens distinctes : la construction de la maquette, l’élaboration de la légende de la maquette et la mise en place de la maquette sur la base des données générées à partir des souvenirs des résidents. La maquette, élaborée à l’échelle 1 : 3000 (1 cm sur la maquette correspond à 30 m sur le terrain), couvre une surface totale de 2,304 ha et mesure exactement 1,6 m de chaque côté.

La première étape exigea un travail de précision. Chaque action devait être entreprise avec un maximum de méticulosité. On laissa ce travail de bricolage aux petits soins d’une vingtaine d’élèves bénévoles, issus de l’école primaire publique d’Avaratrambolo et du collège d’enseignement général d’Ampahitrizina avec l’encadrement des facilitateurs congolais, des co-facilitateurs locaux, des techniciens affectés au projet et des représentants des ONG. Cette étape se déroula en deux jours avec l’enthousiasme des élèves et le dynamisme des facilitateurs.

Dans la deuxième étape, il fallait élaborer la légende de la carte et définir la façon de la visualiser sur la maquette. Complétée en un jour, cette phase témoigna l’étroite collaboration entre les représentants des trois fokontany et les intervenants externes. Pour finir, l’étape du remplissage de la maquette se présenta. Ce travail exigeait une parfaite connaissance du milieu agro-écologique local. Cette étape vit une participation active et disparate de la population locale : hommes, femmes, jeunes, personnes âgées et dirigeants s’impliquèrent dans la tâche. En d’autres termes, elle démontra l’efficacité de l’approche participative, car presque la totalité de la communauté locale était réunie autour de la carte pour essayer d’identifier ses terres et ses caractéristiques suivant la légende définie préalablement ; tout cela sans l’intervention des experts ni des facilitateurs.

Durant le processus, la communauté se posait à voix basse la question « à quoi servira cette carte pour nous? ». Dès que la carte fut achevée, le premier constat de la population locale fut que leur rizière ne couvrait qu’une petite partie de la maquette, d’où la conclusion que l’exploitation d’une plus grande surface est envisageable. Le second constat souleva des problèmes liés au régime foncier, une préoccupation prioritaire dans l’approche nationale du développement. Certains participants furent de l’avis que, grâce à cet outil, ces problèmes pouvaient être résolus à l’aide d’une discussion autour de la maquette avec les responsables du foncier. La troisième observation était en rapport avec le réseau hydrique ; les techniciens affectés au projet remarquèrent que le milieu est riche en eau, donc la gestion efficace de cette dernière doit être primordiale ; ceci est d’ailleurs un des objectifs du projet. Une fois achevée, la maquette fut alors dévoilée au grand public : des enfants aux adultes, et même à ceux qui étaient étrangers au milieu.

Pour conclure, ce premier exercice de MP3D fut un franc succès dans la mesure ou, dès sa présentation, les exécutants du projet ont reçu plusieurs demandes de répétition. L’exercice démontra l’essence même de l’approche participative car, durant toutes les étapes, l’on a pu observer la participation active de différents groupes représentatifs de la communauté du bassin versant, et cela sans aucune préoccupation de la situation, du niveau de vie, du genre. En somme, la barrière de la discrimination a été supprimée. Ainsi, on peut affirmer que l’exercice ne s’arrêtera pas sur ce lieu. Ce n’est que le début d’une succession d’interventions comme celle-ci, puisque cet outil a démontré sa puissance et sa richesse à tous les niveaux du milieu rural.

Ecrit par Christian Andrianarison Sitraka et Sarobidy Hasimbola Razanajatovo Tsilavo

Regardez l'entretien vidéo avec l'un des experts, M. Serge Rakotoson, lors de l'implémentation du projet.

Est qu'on arrivera à faire pareil? Serge Rakotoson réfléchit sur les défis et les résultats surprenants d'un exercice MP3D from CTA on Vimeo.

Friday, October 10, 2014

Une carte en 3D financée par le CTA aide une tribu à consigner et à articuler son savoir traditionnel

Les Saramaca installés le long du Haut Suriname espèrent qu'un système d'information géographique proposé par Tropenbos International et le CTA leur permettra de surmonter le traumatisme provoqué par la perte de leurs terres historiques voilà cinq décennies, dont les effets se font sentir aujourd'hui encore. Lors de l'édition 2014 de la Semaine caribéenne de l'agriculture, Godfried Adjako, l'un des chefs des Saramaca, a parlé de l'expérience de son peuple à l'occasion d'un séminaire présenté le jeudi par Giacomo Rambaldi du Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA) et Rudi van Kanten de Tropenbos International, sur le thème de la cartographie participative en 3D (CP3D).

Par le biais de son interprète Debora Linga, Adjako a expliqué que depuis que Tropenbos a encouragé les Saramaca à produire une carte P3D de leur propre territoire, en début d'année, ce peuple dépossédé de ses terres retrouve espoir. Les Saramaca ont été déplacés contre leur gré lorsque le gouvernement du Suriname a lancé la construction du barrage d'Afobaka dans les années 1960 : avec la création du réservoir de Brokopondo, ce sont toutes leurs terres qui ont été inondées, les forçant à déménager de leur forêt équatoriale vers d'autres villages saramaca. Linga explique que ce départ subi « nous affecte quotidiennement... encore aujourd'hui. Les Saramaca ne cessent d'en parler. »

Le projet de carte participative en 3D, promu entre autres par le CTA, a été achevée le mois dernier. Elle repose sur le savoir géographique du peuple indigène. Elle présente clairement tous les points importants : en prenant les ruisseaux et les rivières comme principaux points de repère, elle situe les terres de chasse, les fermes, les routes, les villages, les forêts et d'autres infrastructures des Saramaca. Cette carte ne repose pas sur des données scientifiques, mais sur le savoir local traditionnel.

Van Kanten a expliqué que cette carte a ensuite été « géoréférencée et numérisée pour être utilisée lors des prises de décision. » Il précise que la carte permet d'expliquer aux personnes extérieures comment les Saramaca exploitent la forêt, en donnant des informations qui pourront être utilisées à des fins de développement local, notamment pour raccorder les villages à l'électricité et à l'eau courante, ou pour créer des dispensaires et des écoles. En évoquant l'histoire et les traditions des Saramaca, la carte sert également à transmettre le savoir aux nouvelles générations.

La carte « modélise les conséquences du changement sur les biens et les services de l'écosystème et sur les moyens de subsistance dans la forêt », ajoute-t-il, ce qui peut aider les membres du gouvernement qui prévoient des programmes de développement économique dans la région.

Rambaldi est un pionnier de la cartographie participative en 3D. Après l'avoir fait découvrir au CTA, où il travaille désormais, il l'utilise aujourd'hui dans le monde entier. Rambaldi a expliqué que dans les PEID, la modélisation gagne en popularité dans les stratégies d'adaptation au changement climatique. En plus d'aider à atténuer les risques de catastrophes naturelles, elle permet de mieux gérer et de résoudre les conflits territoriaux. Enfin, elle offre aux peuples indigènes une certaine autodétermination vis-à-vis de leurs terres.

Pour autant, cette carte ne mentionne pas toutes les informations importantes pour le peuple Saramaca. Adjako a expliqué que la carte n'indique pas les cimetières sacrés par exemple, pas plus qu'elle ne situe les réserves aurifères, a précisé Linga.

Cette dernière a expliqué que le peuple Saramaca souhaite que cette carte puisse être utilisée par les personnes et les entités intéressées par la région, et qu'il valait donc mieux ne pas divulguer des informations aussi sensibles. Rambaldi a précisé qu'aux Philippines, certains peuples indigènes qui avaient révélé toutes les informations les concernant sur leur carte en 3D ont été victimes de voleurs et d'individus mal intentionnés. « Il est important de faire un choix quant aux informations qui seront rendues publiques », déclare-t-il.


Auteur : Jewel Fraser